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COMME PAR FORT VENT D'EST
LES RESSOURCES NOMADES DE LA POESIE
''Je veillerai sur mes brebis, et j'irai les délivrer de tous les endroits où elles ont été dispersées''; aquarelle - jf Monnet le 27/11/2017.
Comme par fort vent d'Est
Il semble que les choses importantes qui doivent survenir, le fassent par un jour où le vent souffle.
En tout cas les impressions qui devancent, intuitives, ces événements qui comptent,
sont avivées en un temps où, ainsi qu'aujourd'hui,
ces rafales venues de l'Ouest qui me repoussent sur le chemin et contrarient mon pas,
ont toutes les vertus de la bise,
elle dont les humeurs en cette saison souvent se rappellent
à notre bon souvenir par leur nervosité, leurs caprices
et leur froid transperçant.
Ce n'est pas un vent qui se laisse attraper.
Tout est comme animé par les ailes d'un grand moulin
qui brasserait l'horizon,
souffle qui garnirait ses plumes immatérielles
des dépouilles ultimes arrachées aux branchages de l'automne.
Ce vent lustre les lueurs hivernales ;
ce vent repousse tout,
brosse tout jusqu'à l'étriller,
drosse toutes les voiles instantanées de nos regards.
Il arrache les squames temporelles
de nos cœurs, de nos âmes.
C'est ainsi qu'une sorte de steppe inconnue s'ouvre en nous,
oubliant les points cardinaux de l'ordinaire, pour les remplacer
par les sept azimuts, les sept méridiens de la patrie où
nous devenons étrangers à nous-mêmes.
J'aperçois cette jeune fille rousse se dirigeant, ni lentement ni avec empressement, vers l'arrêt du prochain tramway.
Je n'ai plus d'âge, je me retrouve dans les choses confuses qui sont la jeunesse, envies confuses, craintes confuses, certitudes confuses ;
ombre courte et indistincte jetée à terre par le soleil de(s) jours qui paraissent infinis dans leur durée et dans leur nombre.
La fille rousse sur le port ; aquarelle - jf Monnet, février 2016
Les rouages minuscules de la sensibilité restent alimentés par les images du spectacle naturel ; et sont exclusivement à moudre ce froment ancien et pérenne que produit le spectacle de la nature ;
Au cadran de la poésie tournent des aiguilles d’éternité dont le mécanisme et le ressort demeurent trempés en la chaleur des images puisées dans le monde végétal, l’univers agreste et pastoral, celui des saisons, celui des moissons, des troupeaux, des vignerons, des pâtres et des bergers encore nomades.
Cette poésie spontanée n'a que faire du macadam, des moteurs et du vacarme de nos cités, des hauts immeubles vitrés et des pompes à essence. Nous ne nourrirons pas notre foyer avec des bois puant l'usine*, mais notre âtre sera bien plutôt comme un feu clair au soir sur la dune.
Nous voici livrés aux clapotis de l’heure.
Je suis cet oiseau marin en l'œil rond duquel
se reflètent toutes les choses du rivage,
la rousseur dorée de cette passante,
comme un vestige sauvé aux frondaisons défuntes.
La fille rousse sur le port ; pastel sec - jf Monnet, février 2016
Il arrive que je trouve repos dans une de ces paroles de l’Ancien Testament :
"Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau …/… ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées" (Ezékiel).
''Je veillerai sur mes brebis, et j'irai les délivrer de tous les endroits
où elles ont été dispersées'' (Ezékiel) ; aquarelle - jf Monnet le 28/11/2017.
Alors je pose ma tête sur la pierre de l’instant,
passe à pieds secs la Mer rouge de l’Immédiateté
(ou de ce que la modernité offre de satisfactions immédiates)
et regarde, comme en un songe éveillé
-ce que permet l’éveil poétique-
monter et descendre les anges
le long de l’échelle céleste de Jacob.
''Lutte de Jacob avec l'Ange'' ; aquarelle- jf Monnet, avril 2010
* Rimbaud - Poème ''Les Mains de Jeanne-Marie''
''Ce ne sont pas mains de cousine
Ni d'ouvrières aux gros fronts
Que brûle, aux bois puant l'usine,
Un soleil ivre de goudrons.''
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