• LE JARDIN SANS OUBLI

    La destinée hors du commun d'un homme de l'Amérique de José Marti

                                                      Jaime Diaz Rozzotto

    ... ''Homme de l'Amérique de José Marti'', comme il aimait à se définir lui-même !

    Les circonstances de la vie firent de Jaime Diaz-Rozzotto le greffon improbable et réussi de la terre d'Amérique en notre Franche-Comté. 

    Né en 1918 au Guatemala, il connut une enfance aux influences multiples, celle de son père d’origine espagnole, de sa mère vénitienne et de sa gouvernante indienne qui le berça de ses comptines. 

    Acteur engagé de la réforme agraire et de la révolution guatémaltèque (1944-1954) qui devint secrétaire général du Guatemala sous la présidence Arbenz, Jaime connut la clandestinité, la prison, la torture et finalement l’exil, un très long exil de plus d’une quarantaine d’années qu’il passa à Marchaux, tout en accomplissant sa carrière de professeur d’Université de Lettres (Espagnol).

    A l’instar de son ami Miguel Angel Asturias*, Il portait une amoureuse curiosité à la tradition mythologique et cosmogonique, artistique et magique, du peuple Maya.

    Il fut le vecteur, sa vie durant, d’une religion athée, attitude philosophique se caractérisant par une grande générosité et qui n’omettait pas que l’adversité puisse grandir l’homme ; et effectivement il portait haut la dignité de l’humain. Malheureusement, les ennemis  des libertés et de la révolution guatémaltèque le contraignirent à fuir son pays.

     

    Jaime m’encouragea sur la voie de la poésie, et vint à mes expositions de peintures. Il voyait en cette double activité personnelle une réminiscence de ce qu’était l’esprit artistique du peuple Maya. Et ceci me touchait beaucoup.

    Jaime nous a quitté à la fin du mois d’octobre.

    Je veux rendre ici un hommage non seulement à ce qu’il fut sur un plan humain et politique, mais aussi au poète ; puisqu’il me semble bien évident qu’il est déjà dans l’histoire de la littérature de son pays.

    A ce titre, il est incontestable que, en tant que proche  du mouvement guatémaltèque d‘émancipation littéraire Saker-ti, il fut un écrivain de son époque, sensible aux influences diverses, par exemple surréalistes. Oui, il fut l’écrivain et le poète, tenant bon dans l’adversité et menant la barque de son œuvre, œuvre continuée sur quarante années d’exil, ce qui est sans doute un cas unique pour cette génération d’écrivains guatémaltèques ; il n’a cessé de croire en la pensée et en ses formes d’expression littéraires…

    Je parcours son recueil intitulé Le Jardin de l’Oubli, publié il y a quelques années en sa langue d’origine (l’espagnol) mais accompagnée d’une traduction française pour vous offrir, en son nom, ces trois poèmes :

     

    Trois poèmes de Jaime DIAZ ROZZOTTO, extraits d'un de ses recueils intitulé ''Le Jardin de l'Oubli'' :

    La rime

    (Probablement : Guatemala, 1945)

     

    La rime roule, ronde roue,

    Vive, rouge, elle étouffe le monde

    Solitaire, brimbalant,

    De rime, peine et pleur.

      

     

     

     

      

     Chansonnette de l’Orchidée

    (Tegucigalpa, 1948)

     

    Toi, fiancée lilas,

    Lilas et dorée

    Aux mains couleur de l’aile,

     

    Oh, combien je t’aime !

    Frêle et légère

    Clochette d’eau ;

     

    Lilas et dorée,

    Abeille chargée

    De miel et de lune.

     

    Fiancée, nubile

    Ruban d’écume,

    Duvet de pluie

      

     

      

    Pleine lune

    (Probablement La Cienega, Xelaju, 1959  --

    Traduction adaptée poétiquement  par J. Monnet)

     

    Passe nuage

    Ta chevelure m’embrasse ;

    La lune brille

    Tu me regardes ;

     

    L’eau jaillît

    Quand, pleinement, nous

    Nous aimâmes.

     

      

    ...L’exil fut une longue épreuve pour Jaime, qu’il ne laissa toutefois jamais transparaître ; à cause de cette distance imposée entre lui et son Guatemala natal, quand il pensait à l’action de ceux qui avaient endeuillé et causé le malheur de son cher pays, tout son être semblait faire écho à cette parole de Pablo Neruda : ‘’Ils pourront couper toutes les fleurs, jamais ils ne seront maîtres du printemps’’.

                                      

                                         jf Monnet 02 et 03/12/2011

     

    *(poète, écrivain et diplomate guatémaltèque, prix Nobel de littérature)

      

       BLOG DE JAIME DIAZ ROZZOTTO    http://www.notiziariodelleassociazioni.it/news/jaime-diaz-rozzotto/

     

    LE JARDIN SANS OUBLI

     

     

      

      

     

     

     

     Jaime DIAZ-ROZZOTTO

    à Besançon, mars 2002

      

      

     

      

      

      

      

      

      

      

      

      

     

     

    Un poème dédié à Jaime et à Marcella sa compagne :

      

    Hymne Maya

      

    (C’est le Masque qui parle) 

      

    ‘’Je suis  Maya, comme Jaime, bercé  

    De romances indigènes ; 

    Si je verse le sang c’est blessure de communion 

    A l’esprit des êtres et des choses 

    Me souvenant en toute ma fibre du sang  

    Nerveux d’un trisaïeul Caballero ou bien  

    Romancero Gitan 

      

    Eparpillant les idées grises comme des mouches sous 

    La coiffe noire et haute de l’aïeule espagnole 

    Et au besoin, pour les défaire  

    De leur ternissure, usant de sa mantille 

    Afin qu’elles, les roses, puissent se pavaner  

    Bien haut, vers le ciel, 

    Au front de la demeure paternelle 

      

    Je suis poète et lit en ma paume la magie 

    Puisque celle-ci non seulement est une clarté 

    Mais une clairière aussi ;  

    Urne de la beauté, où je verse un sang d’encre, 

    Où trempe ce calame comme la pensée elle-même 

      

    En pose la pointe dans la sève tellurique  

    Des siècles 

      

    Des siècles dis-je, eux qui, de tout

    Et de chacun, se gardent souvenance  

    Et en demeurent songeurs, par les caprices de l’art 

    Qui sont autant de bijoux recelés et cachés  

    Aux rondes-bosses du poitrail de l’humain 

      

      

    Banderille de plumes éclatantes, flèche en l’œil du dieu Pan 

    La chorégraphie souple de la queue de Quetzal 

    Traverse  

    Dessus-dessous  mon regard (non  

    Mes yeux seuls, non mes seuls yeux !), 

      

    A cet instant, les immenses rayons d’or         

    Qui font baver de miel le masque 

    A face de lune, à l’onyx  pur

    Et  grand totem !

      

    … A cet instant franchit 

    Le buisson de  flammes  blanches 

      

    Et bleues comme, au désert,

    Celles d’un campement, celles

     D’un feu d’herbe sur la dune 

      

    Du grand soleil soigneur

    Et sacré 

      

    Qui est, cher Jaime,  

    Celui  de vos ancêtres.’’

      

    jf Monnet - novembre 2011 

     

      

      

      Pour les Mayas et les Aztèques, le quetzal était un oiseau sacré, dont les plumes étaient très prisées en particulier pour les parures royales. Le quetzal meurt si on le met en cage, c'est pourquoi il est symbole de liberté. Je me suis souvent dit que Jaime, cinq ou six siècles auparavant, aurait été coiffé des plumes du Quetzal...

      

      

        LE JARDIN SANS OUBLI

    Jaime, lors d'un dîner amical en mars 2002, en compagnie de D. Chatté, une de ses traductrices et ancienne élève, et de moi-même.

      

     LE JARDIN SANS OUBLI

                           *Miguel angel Asturias, chantre inspiré du monde magique amérindien

                                                     et ami de Jaime Diaz Rozzotto

      


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  • Commentaires

    1
    Okoundji
    Mardi 6 Décembre 2011 à 22:08

    un bel hommage pour ce grand nom du chant du poème, Jaime est à lire et à relire encore, tant sa parole renferme l'essentiel à dire. Merci cher Jean.

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    2
    jeffpm Profil de jeffpm
    Mardi 6 Décembre 2011 à 23:52

    Cher Gabriel,


    Un homme tel que Jaime fut un poète-combattant, sentinelle au front de la pensée et de l'humanisme ; nous devons lui rendre, en tant que poètes,  l'honneur des armes, des ''armes miraculeuses'' pour reprendre une expression fameuse et que j'apprécie tant, de son contemporain Aimé Césaire.


    Merci donc, cher Gabriel, de lui rendre toi aussi, toi l'ouvrier aux forges de l'essentiel, cet hommage qui honore sa mémoire.


    Jean

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