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Voyage vers l'Est
8h57 un jour de canicule
La Marcheuse sous le Soleil - Peinture acrylique ; jf Monnet, juin 2019
Voyage vers l'Est
Prendre la route matinalement. Se glisser comme une goutte dans ce flot sanguin noyé de pétrole. Embolie passagère provoquée par les poids-lourds qui se doublent.
Ciel lumineux et encore fraîcheur, très relative. L'on vient de traverser une forêt ; rien de spécial. Il faut avoir l'œil aiguisé pour repérer quelques signes de souffrance de la végétation.
Passage d'un petit col, l'on a pris de la hauteur derrière son pare-brise.
8h57 s'affichent sur la tableau de bord. Les petits chiens de la canicule se sont mis à gémir..
Le ciel est pâle et brumeux, légèrement jaunâtre, comme s'il y avait un incendie lointain.
Transpiration de la terre : c'est évident, ces rectangles de paille arasés sont la peau de la terre ; prés, champs, forêts, indistinctement, ne sont qu'une mince couche verdâtre sur laquelle pèse l'air échauffé, étendue sur le roc imperturbable et que vient caresser et frapper la main dure du soleil.
Là-bas est une étoile, à 150 millions de kilomètres, la nôtre puisque nous tournons autour, ''astre-divinité'' sans doute plus ancienne que l'âge du bronze et sous les rais et par les ombres de laquelle nous buvons les vins d'été.
La lumière est chaude comme le fer de la serpe laissée cinq minutes à terre. Les essaims de la fraîcheur semblent avoir quitté pour de bon les verrières de la nuit. La ville approche.
Sur les ondes il est dit que l’ozone, pourtant si précieux pour la vie qu'il protège du trop plein d'énergie solaire, y est devenue comme un germe mauvais qui prolifère en son atmosphère enfumée.
Les Vins de l'Eté - Dessin au pastel ; jf Monnet, juin 2016
Se souciait-on du Soleil aux âges néolithiques ? Pas sûr, l'on recherchait l'ombre des grottes pour pratiquer l'envoûtement et s'approprier l'esprit des animaux que l'on irait chasser et qui conditionnaient la survie du clan.
Puis la divinité soleil apparut avec les moissons qu'elle faisait dorer, et Cérès se mit à embrasser le doux incendie d'une gerbe de blés mûrs, vital pour les communautés paysannes et les premières société agraires d’une Terre alors loin d’être surpeuplée.
Les temps étaient fixes, et réglés semble-t-il pour l'éternité. Ceux-ci mêmes qui ordonnent le travail du semeur dans les peintures de Vincent Van Gogh ; ceux-ci mêmes qui font que les textes évangéliques évoquent ''le maître des moissons,... le semeur et le moissonneur etc. ''.
Nos grands-parents eux-mêmes manièrent la fourche, le van, la pelle à vanner, et le fléau à battre le grain, usage hérité de ces temps immémoriaux.
Crépuscule au pied des Vosges - Dessin aquarellé ; jf Monnet juillet 2019
Les temps étaient fixes ; et la canicule, bien malgré lui occasionnée par l'homme et ses activités industrielles, vient les perturber avec une pointe d'inquiétude existentielle : notre Terre est-elle menacée ? Ce qui était attendu, prévisible, ne l'est plus, les saisons sont déréglées...
Si l’on veut ‘'habiter poétiquement le monde’' - selon la belle expression du poète allemand Hölderlin-, il s’agit non plus seulement de décrire la nature en y cherchant des métaphores profondes et de traduire ses sentiments et émotions, mais de s’inscrire maintenant dans la mouvance des temps…
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Commentaires
2jeffpmLundi 2 Septembre 2019 à 17:06Oui, comme tu le dis, Christophe, elle vient - presque nue mais d'un pas hardi !- de franchir le rideau de la chair ; le soleil la surplombe et laisse derrière lui l'ombre d'une traîne aux couleurs rétiniennes...
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La Marcheuse sous le Soleil Presque nue, mue d'un pas décidé, décidée à parcourir le reste de la fraîcheur nocturne que buvait déjà goulument l'ardent soleil.