• DANS L'UTERUS DE L'ANGE

    Le Greco, à propos d'une exposition et d'un tableau plus particulièrement

         Voici une preuve – qui résulte certes d’une attitude un peu bravache- de l’assurance que Le Greco avait de son talent sinon de son génie : en quittant l’Italie, il osa une critique directe, non voilée, des manières et façons de Michel-Ange et Léonard de Vinci !

         Venu de Crète où il avait fait son apprentissage de peintre en s’exerçant à la miniature et à la peinture d’icône le voilà à Venise, s’imprégnant des couleurs du Titien, puis à Rome, cherchant à se faire un nom, à ‘’percer’’, avant de penser à s’exiler pour la Castille et la ville, Tolède, qui lui offrira l’opportunité de se mettre au service du roi Philippe II.

     

        Une belle exposition lui est consacrée à Paris qui donne à comprendre – fait ô combien rare, surtout en ce qui concerne un artiste ayant œuvré dans la deuxième moitié du 16° siècle et au début du 17°- quelle fut sa démarche, son tropisme, et nul doute que celui-ci fut spirituel ; tout son art se mettant au service d’une mystique qui s’exprima de façon de plus en plus personnelle, tant et si bien que certains purent le prendre pour le fruit d'un esprit illuminé et qui sait, dérangé.

     

        Au cours de la visite, une œuvre, bien que non commentée par un cartel, attira cependant particulièrement mon attention.

    Il s’agit du Christ au Jardin des Oliviers.

    Il s'avère qu'au cours de sa carrière, Le Greco eut l’habitude de traiter en plusieurs exemplaires les thèmes qui lui étaient chers*. Mais un seul des exemplaire de celle-ci était présenté au public.

    *NB : c’est un des grands mérites de cette exposition : nous faire voir certaines de ces œuvres démultipliées, en lesquelles l’on peut suivre la maturation de son art.

     

    DANS L'UTERUS DE L'ANGE

    Détail de l'oeuvre du Greco représentant les apôtres endormis (dans la moitié inférieure gauche)

     

       Dans cette toile l’on ne sait plus ce qui est roc ou tissu… tout n’est que volutes des drapés ; et le sommeil des apôtres est enveloppé de nimbes enroulés comme le sont les vêtements des personnages. L’endormissement de ceux-ci semble ainsi s’être accompli dans un lieu autre, hors du monde, en tout cas hors de la réalité qui est celle du Christ souffrant les prémices de sa Passion.

     Ne serait-ce pas l’Ange, juché sur cet antre qui les contient, s’inclinant pour tendre la Coupe du sacrifice au Christ, qui, comme Morphée, les garde dans cet état ? Ce que le poète Jean Grosjean décrivait ainsi, évoquant des apôtres qui n’avaient pu s’empêcher de s’endormir d’un ‘’sommeil non malsain’’, expression énigmatique qui peut-être veut signifier qu'ils réagissent selon leurs simples capacités humaines...

        Cette toile déplace vers l’endroit où se joue l’intensité d’un drame spirituel, l’existence assoupie des compagnons du Christ, qui est d’une certaine façon la nôtre. Il y a là quelque chose -dramaturgie relevant du songe- qui ressemble à ce que l’on imagine être le moment de la Transfiguration : Une grande distance se crée entre ce qui est vécu par le Sauveur et ceux qui l’accompagnent.

      

    DANS L'UTERUS DE L'ANGE

       

        Ayant trouvé une autre version du même sujet traité par le grand maitre de la peinture, j’ai comparé et pu constaté qu’une version beaucoup plus classique, plus proche de la tradition de l’icône existait. (cf. ci-dessus- détail).

     

    DANS L'UTERUS DE L'ANGE

    Les apôtres endormis, selon l'icône traditionnelle - détail

        N’empêche, la version qui situe le groupe des apôtres endormis dans ‘’l’utérus de l’Ange’’ est une sorte de synthèse, qui met en relief l'aspect symbolique des situations, des représentations et qui nous met en face d’un mystère.

    Ainsi s'illustre de façon profondément originale, inégalée, le talent suprême, le génie docile à l’Inspiration du Greco… Exemple d'action matricielle** que l'Esprit eut sur une personne traversée par son art, comme un moine peut l'être par sa méditation.

     

    (** Chouraqui , traducteur de la Bible - et du Coran- parle de ''matriciation'' :  cela fait écho bien sûr au titre de cet article qui pourvoit les anges d'un utérus !) 

      


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