• DE BLOG A BLOG (à propos de logorrhée - suite)

    Ce que W.B. Yeats n'a pas peut-être pas voulu dire à propos de ''terrible beauté''...

    Sur son blog, Michel Durand vient de publier ma réaction au propos très critique d'un artiste (?) qui épingle le discours du directeur de la Biennale des Arts Contemporains de Lyon (voir références dans l'article ci-dessous ''La tour de Babel ''), Biennale qui a pris pour thème un vers d'un poème de W. B.Yeats, poète irlandais de la fin du 19° siècle et du début du 20° siècle  (''une terrible beauté est née'') :

      

    Extrait du texte de T. Raspail cité sur le blog de Michel Durand :

       « La plasticité des faits d’histoire, comme celle des œuvres quelles qu’elles soient, et qu’elles s’espacent dans le temps ou non, délimite un cadre, une configuration et des périphéries, qu’il est vain d’énoncer a priori. (…) Mais à cette histoire, il faut bien un début, car avant d’être un qui (playlist), l’exposition  est un comment. Qu’est-ce qu’un début ? s’interrogeait Louis Althusser (…) Comme l’histoire générale, mais pour un temps seulement, l’exposition doit pouvoir tracer sans trahir les propriétés combinatoires d’une morphologie définitivement conjoncturelle, sans passé ni avenir, au présent. Et contenir en prélude (ce qui interdit au « savoir constitué », comme à la « certitude des choses », à la « pensée  readymade », etc.)... ce qu’à défaut de mots nous empruntons à Carlos Ginsburg, « des éléments impondérables » : le flair, le coup d’œil, l’intuition. »

      

    Extrait de la réaction de la personne ayant proposé à la lecture ce texte de T. Raspail  sur le blog de Michel Durand :

    ''Je vous soumets cela, car j’aimerais savoir si je suis la seule, à ressentir le caractère absolument abscons, insensé, délirant, complètement halluciné ou explosé du dedans, de ce texte qui, lu à haute voix, vous fait desquamer* la langue et sortir de la fumée par les oreilles etc.''

      

      Mon commentaire, posté sur le blog en question :  

    Oui, c'est vrai, la formulation est alambiquée, excessivement abstraite ; néanmoins il me semble qu'il y a une intention dans ces propos qui est une sorte de constante de la pensée, non pas artistique en elle-même, mais de la pensée sur l'art contemporain (c'est-à-dire à propos de l'art contemporain) ; il s'agit d'une pensée pseudo-philosophique (Thierry Raspail ne parle-t-il pas lui même de 'philosophie de bistrot' dans un de ses propos?! je ne pousserais pas l'outrecuidance à lui appliquer à lui-même ses propres jugements !) qui capte à son profit les intentions des poètes, parfois d'ailleurs abusivement ou du moins de façon fort peu explicite (voir remarque ci-dessous) . La finalité, l'intention (pour reprendre le mot déjà utilisé, qui me semble bien convenir) de cette pensée est finalement simple : on s'interdit d'enfermer la création artistique dans un 'sens', à plus forte raison dans un 'héritage' ou dans un système de pensée symbolique (tel que religieux par ex.).

    L'art n'est donc plus qu'un 'comment' (mais le terme porte à confusion) que l'on appréhende par les moyens d'une subjectivité débridée et se justifiant par des mots d'une grande banalité au fond : le 'flair' (que l'on s'attribuera facilement) capable de sentir et ressentir 'l'impondérable'...

    Cette démarche n'est pas foncièrement illégitime ; elle est tout simplement discutable ...

    Remarque * :

    J'ai relu attentivement la poème de Yeats : il ne se laisse pas saisir facilement ; il comporte une part de mystère, y compris dans ce qu'il veut entendre par 'terrible beauté'. Peut-être Yeats veut-il par là affirmer le pouvoir du poème comme créateur d'une beauté capable de dire les choses au-delà d'un parti-pris d'humanité (parti pris qui aurait dû par exemple conduire le poète à louer le sacrifice de ces irlandais fusillés, ce qu'il ne fait pas réellement).

    En somme ce qui serait terrible ce serait de décrire le sacrifice de ces hommes fusillés (irlandais combattant pour leur indépendance) comme quelque chose de relatif, et ainsi de l'amoindrir dans sa charge symbolique en n'y participant pas. Une sorte de sentiment d'absurde émane de ce poème (où l'on trouve par ex. le mot de 'farce', ou bien, selon la traduction, l'idée de bouffonnerie). Il  pose la question : Le sacrifice de ces hommes valait-il réellement la peine, alors que le flot de la vie continue de couler, dans l'intensité du présent ?  Tout se passe comme si le poème voulait relativiser l'histoire de l'engagement des hommes pour donner toute sa place au réel, sensiblement vécu dans son immanence. Et peut-être que, dans un certain sens, cette 'terrible beauté'  est avant tout une beauté complexe, ambivalente, non univoque, ainsi que la notion de 'modernité'. La terrible beauté dont parle Yeats ne se laisse donc pas aisément appréhender... En tout cas rien ne dit, en Yeats, qu'elle se réduit à un 'comment' et ne saurait justifier que l'on effaçât toute dimension symbolique (ce que T Raspail appelle '' savoir constitué etc. '' ) ou spirituelle d'une expression artistique 'moderne'.

    Thierry Raspail définit  (un peu plus loin dans le même texte) cette modernité comme ' la mémoire commune de notre culture occidentale ' ce qui, vous en conviendrez, est quand même un peu court, et balaie un peu facilement les 15 à 20 siècles fondateurs qui précédèrent, fortement ancrés justement dans le symbolique.

    Il y a, en bref, une forme de narcissisme et d'autosuffisance dans cette conception de la 'modernité'  ; et peut-être aussi chez ceux qui s'en prévalent.

    *(je développe un peu ma pensée ici, par rapport à la remarque que j'ai publiée sur le blog de Michel Durand)

    jf Monnet 19/10/2011

      

     

    Willam Butler Yeats : ''Pâques 1916'' -- Pour une bonne traduction du poème de l'anglais au français copiez ce lien sur votre navigateur :

    http://anthologie.anglaise.free.fr/win/gb10tx14.pdf

       


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    jeffpm Profil de jeffpm
    Dimanche 23 Octobre 2011 à 21:54

    Michel Durand formule cette réponse à mon commentaire à propos de l'article de T Raspail :


    ''Merci pour votre regard et commentaire. Ne voir que l'objet d'un moment et le comment de son existence,  n'est-ce pas le signe d'un individualisme forcené issu d'une idéologie libérale ?''

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :