• La Maison du (ré-) Jouir

    Au paradis avec Gauguin (Le Christ ressuscité est passé par Arles et par les Marquises).

     

       C’était une époque sans IRM, sans antibiotiques, sans pilule, sans automobiles ni avions ; celle d’une société moins policée, avec des mœurs plus directes, plus rugueuses et sans sécurité sociale.

    Les derniers massacres, révolution, épopée napoléonienne étaient suffisamment lointains pour ne pas trop jeter de cette ombre -faite de souvenirs douloureux et d'amnésie- sur la société tout entière, pères et fils, mères et filles... Et rien, du cauchemar de la prochaine guerre, ne se laissait entrevoir.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    ''Autoportrait au Christ jaune'' (détail)- Paul Gauguin, 1890-91

     

       L’appel de Gauguin pour le lointain avait quelque chose de cette exhortation biblique :

    Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai’’.

     

       Gauguin était parti, mais pas pour une vie complètement nouvelle, car il partait avec son expérience de peintre, sa dynamique intérieure qui le poussait à peindre, comme un moine est attiré par la méditation et la prière et ne voit d’intérêt à vivre que dans cette occupation fondamentale pour lui-même.

    Il ne voulait pas retrouver l’Eden, mais simplement quitter le vieux monde pour expérimenter de nouvelles stimulations sensorielles, celles du regard principalement ; s’essayer à de nouveaux sujets ; mais le Gauguin-des-îles était le même que celui qui avait peint le pays bigouden, les landes et les apparitions aux bretonnes en coiffe, la patience du Christ jaune ; le même qui avait partagé pendant qqes temps sous la lumière du ciel méditerranéen, sa passion dévorante avec un Vincent van Gogh.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    ''Les Alyscamps'' (détail)- Paysage peint par Gauguin en compagnie de Vincent van Gogh - 1888 

       

       Pour lui ne brillait au fond qu’un soleil : celui de son art ; et ses heures à venir promettaient que bien des journées fussent consacrées à cette sorte de liturgie artistique. Une liturgie où il était le seul officiant et le seul fidèle.

    Fallait-il donc une force de caractère exemplaire et une philosophie de la vie en rupture avec les conventions et le modus vivendi d’une civilisation qui lui semblait pervertie !

     

       Certains de ses collègues peintres ou écrivains avaient choisis certains de leurs motifs, par réalisme, en ses bas-fonds, montré une civilisation miséreuse et des quartiers pauvres hantés par les ‘’figures de genre’’ de malheureux à la Zola, de femmes de rebut accoudées devant un verre d’absinthe.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

     

    ''La buveuse d'absinthe'' (détail) -par Edgar Degas

     

    ... et par Picasso :

    La Maison du (ré-) Jouir

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    La Maison du (ré-) Jouir

     

    Femmes de Tahiti- Paul Gauguin, 1891

     

       …C’est ainsi que, symboliquement, il orna le linteau de sa maison d’une sculpture et de cette inscription ‘’la maison du jouir’’.

    Sa nouvelle famille serait indigène, sa religion une sorte d’hédonisme, son étoile la pratique de son art.

    Sa maison serait  ouverte aux autochtones bien sûr, aux connaissances et aux favorites très adolescentes, dont le cœur ne demandait qu'à croître dans le monde intérieur du maître.

    Avec dedans, un grand pan de mur où disposer la toile en cours.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

     

     

       Là, sous cette poutre (sous le linteau sculpté) tous les ingrédients de la magnifique aventure : Un paradis pouvait naître derrière le paravent de l'orgie tahitienne, du Jouir insulaire et exotique.

    Il y avait de toute façon l'alcool, les '' cadavres'' de l'ivresse,  sans que celui-ci ait peut-être perdu tout caractère sacré. Bacchus n’était pas tout à fait défunt pour qui était à distance du temple ou de l’église.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    ''La bariole mariole'' (détail) - Jean Dubuffet, 1964.

    ''L'art est la plus passionnante orgie à la portée de l'hommePeut-on rencontrer des personnes qui parlent de l'art avec sang-froidqui vous confient bravement: «Tantôt j'irai voir un tableau» sans claquer des dents ? ''- Jean Dubuffet-

     

       Certes il montrait le mauvais exemple aux âmes tordues par les maximes morales et par les préceptes de bonne tenue. C’est en tout cas ce que l’on retint de lui en ces lieux où il passa quelques unes des dernières années de sa vie.

    Mais c’est oublier que le Christ lui-même était un sacré trublion parmi ceux qui veillaient aux préceptes moraux de l’époque (et qui sont encore, pour une bonne part, les nôtres) :

    ''Le Fils de l’homme est venu, il mange et il boit, et l’on dit: ‘'C’est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs.’' Mt 11,16-19

     

       Et si sa peinture était la branche du sycomore sur lequel Zachée s’était perché ? Oui, au fond c’est bien cela, ce me semble !

     

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    Zachée apercevant le Christ- peinture à l'enduit 100 x 140 cm - jf Monnet, novembre 2014 

    (Il est représenté symboliquement sur un fond en forme de feuille de sycomore, arbre dans les branches duquel il est monté pour voir passer le Christ ).

     

       Ne pas le faire monter dans cette demeure du ciel que viennent peupler les artistes qui vécurent -de coeur et d'authenticité- leur art,  c’est ne pas mettre le pied sur la première marche, celle de l'admiration ; c'est se priver d’une partie -la plus sensuelle- de la Révélation !

     

       Complexité de l’âme humaine, où rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Patience du Christ jaune,… cette haute note jaune, si chère à van Gogh ; si mystique !

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    'Le semeur'' (détail) - Vincent van Gogh 

       

       La peinture, une espèce de prière sans prière, au long cours...

    Semer pour que se puissent récolter les fruits de l’Esprit, éprouvés par les sens, et non par le dogme ou par l'esthétique à la mode !

    C'est ressuscité que le Christ visita les Iles Marquises, passant au tamis la cendre des moeurs dissolues et au crible à vanner le souvenir du soi-disant ''péché''. Ne reste dans la paume, sous les doigts de l'humanité entière, que la pépite d'une oeuvre magnifique.

     

       Un autre que lui, du même bois, avait dû faire une croix (!) sur sa vocation de pasteur... pour arriver au même type d'accomplissement : ce fut Vincent van Gogh.

    C'est avec ces deux-ci, si entièrement engagés dans leur ''vocation- de- peinture'', que s'opère le grand basculement, une conversion dans la façon de vivre son art ! : voici l'espace grand ouvert à l'intériorité et à la mise en marche sur le chemin intérieur.

     

    La Maison du (ré-) Jouir

    La vision après le sermon- paul Gauguin -1888

       

       Cet endroit est le Paradis et/ou l'Enfer -les deux mêlés à vrai dire !-, ce lieu intime que le Christ voulait ouvert sur les cieux, ou bien duquel il expulsait les démons en les exhortant de taire son nom de Sauveur.

     

     


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