• LA POSE ETRANGE DE LA MUSE PICASSIENNE

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    Picasso- Le déjeuner sur l'herbe.

        La pose étrange de la Muse picassienne

     

    Il y a quelques années furent exposées à Besançon plusieurs grandes toiles de Picasso, dont trois nus, particulièrement représentatifs de son art. L’utilisation assez brute de la matière (ici des gris, des beiges clairs, sans rehaut de couleur vive), les transitions et les passages ménagés par la façon de voir et de peindre de l’artiste, la déformation des volumes (pieds, torses, seins, visages évidemment) donnaient aux œuvres ce caractère parfaitement reconnaissable de son art, toujours intéressant quant à l’aspect plastique.


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     Picasso - Gravure.

    Face à ses œuvre l’on était effectivement en droit de se demander :

    Est-ce passage à une autre esthétique (ce constat ayant quelque chose de relatif : une esthétique parmi d’autres) ou a quelque chose de différent d’une esthétique ? Difficile de répondre.

    Picasso est immergé, du point de vue de sa création et surtout à la fin de sa vie dans un univers érotique (mythologique) : « Minotaure(s) », « peintre et son modèle » soit artiste et sa Muse (charnelle) etc.

    En visionnaire il possède néanmoins les clefs d’un futur.

    Les déformations anatomiques de ses figures peuvent relever d’une acception sensée, d’une interprétation «poétique» (au sens de « créatrice »), laissée à la guise --caprice ou liberté-- de notre intelligence de l’œuvre : Ainsi le pied démesuré de cette femme assise ou allongée (la pose du modèle féminin) peut-il être compris :

    *         Soit comme pesanteur qui interdit la marche (la mise en marche – ceci relève donc d’un état existentiel de l’homme, de l’artiste contemporain ayant perdu la vertu biblique du nomade Abraham) ;

    *         Soit comme gravité de l’être valant par l’utilité de ses pieds (organe locomoteur au sens biologique du terme) c’est-à-dire par sa capacité de marcher en esprit : ceci pouvant se rapporter à l’artiste devant son modèle, qui, en la réalisation de son œuvre se met en marche ;

    *         Ou bien : pied ayant grossi par inactivité, par paresse, par inutilité (le modèle et la figure peinte sont souvent accroupis, ou assis ou allongés) ; il s’agirait donc à nouveau d’une sorte de définition en creux, par la négative ou l’absurde, du nomadisme de l’être ; et peut-être aussi d’une critique radicale du « tout est luxe, calme et volupté » baudelairien puisqu’ici Picasso se permet de bousculer les lignes avec audace ; l’œuvre ouvrant du même coup, à notre regard, l’espace de l’intranquillité pour reprendre le mot associé désormais au poète portugais Fernando Pessoa.

    *         Ou encore, puisque le pied « apparaît au premier plan », au sens propre et au sens figuré. : organe particulièrement important de la « beauté de l’être ». Et cela oblige qui veut comprendre l’œuvre en profondeur, à déplacer le concept de beauté vers un plan plus spirituel (que formel).

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            Picasso - Le déjeuner sur l'herbe.

    En bref, ce pied démesuré de la Muse picassienne donne ou redonne du sens au corps représenté, au corps « plastique » voulu par le peintre ; et aussi du sens à l’art lui-même !

     

    Cette « laideur » est ouverture du sens de l’œuvre et aboutissement d’une tradition initiée par Cézanne et non pas conséquence malheureuse et laid aboutissement d’une démarche esthétique initiée par le « père » Cézanne ; en cela la démarche picassienne n’a rien de relatif ; elle n’est donc pas une « esthétique de plus ».

     

    Une autre dimension me semble devoir être prise en compte : cette représentation des « Baigneuses » cézanniennes dont les muses de Picasso sont les filles, définit une tradition que l’artiste contemporain aura à intégrer s’il veut se placer dans le fil de la tradition artistique occidentale– Et cette tradition inclut désormais l’Etrangeté (surréaliste en quelque sorte – dans ce registre il y a une parenté pour ne pas dire une consanguinité entre cubisme et surréalisme) comme nouveau champ d’exploration et d’expression.

     

    Le problème n’est pas de remplacer une esthétique de la beauté, jugée superficielle donc sans fondement, par une esthétique de la laideur*, a priori plus tournée vers l’authenticité (le cri, la révolte etc.) ; l’enjeu est de tendre à un art authentique, par laideur ou par beauté.

    Et cette authenticité, par symbole représenté et personnellement intégré, ne peut faire l’économie d’une certaine étrangeté.

     

                                                          J. F. Monnet – 16/01/10

     

    * et encore : souvenons-nous du « hideusement belle » de Rimbaud !

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     Picasso- Le Modèle.

    PS : Les illustrations de cette page ne correspondent pas aux oeuvres exposées à Besançon ; j'ai sélectionné des oeuvres accessibles dans le domaine public dont les corps féminins se rapprochaient de ceux qui avaient été montrés à Besançon.



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    La Marcheuse (Hommage à Picasso) - Craie et pastel sur papier bistre.
    J.F. Monnet - Exposition "Chemins de Créations"



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