• Pépé Léon

    Une sorte de conte moral, à partir d'une vie véridique...

    Pépé Léon

    La foi en un Être de Surgissement - technique mixte - jf Monnet, novembre 2020

     

       Pépé Léon était un homme intègre et droit, doué d’une foi solide en Jésus-Christ le Salvateur.

    Il n’eut pas une vie marrante.

     

       Né en 1895, il avait 19 ans quand la Grande Guerre éclata, et se retrouva dans les tranchées de Verdun comme des centaines de milliers d’autres, à jouer malgré lui à cette épouvantable roulette russe, à cette loterie de l’Absurde où il y eut tant de perdants, celle qui vous arrachait un membre ou la tête en un seul éclat d’obus. Celle dont la violence de feu pouvait faire se lever de la boue le Délire, comme une silhouette nue, tel un fantôme goyesque se mettant à rire affreusement dans ce spectacle d’artifice orchestré par les armes humaines.

    Connaître cela ne fut-il pas, peu ou prou, une rencontre avec le tragique et une façon de mourir à ce pour quoi l’homme est fait ?

     

       Intelligent, lui qui avait été l’un des seuls de sa génération et de son village -où son père était boulanger-  à avoir fait son lycée avec les fils de bourgeois, rêvait d’être vétérinaire.

    Bien plus tard, trente à quarante ans environ, quand il voyait au cinéma un western, il commentait : ‘’que des tueries, que des tueries’’ insensible à la gâchette d’or de John Wayne, bien au contraire, mais prenait son billet pour la salle obscure dans la seule fin de voir les chevaux et chevauchées.

    Il fit une carrière à l’Alstom, ce mot retraçant un parcours des plus statiques : aussi doué fut-il, il n’en fut pas moins le cas tristement exceptionnel de qui ne gravit aucun échelon du jour où il entra jusqu’à celui où il quitta l’entreprise : c’est qu’il avait la fâcheuse tendance à faire des remarques à ses supérieurs, à celui-ci dont la vie privée était notoirement connue des personnels du bureau pour ses frasques libertines, à celui-là qui entre ses dossiers glissait une revue à la couverture d’une volupté offerte et sans équivoque, sous un titre moderne - c’est-à-dire de revue américaine.

    C’est plus tard que, par intrication des relations familiales, j’ai fait connaissance avec pépé Léon.

    Il n’avait plus le caractère austère que ses deux fils avaient dû supporter, en particulier après la mort précoce de sa femme. Période sans gaieté, qui précéda son emménagement dans un immeuble de standing moyen, mais neuf, ce qui le culpabilisait presque, ‘’trop beau pour lui’’. Il y parlait de sa maisonnette qui fut son précédent logement comme de ‘’son taudis’’.

    Quoique régulièrement il devait encore s’emporter, -toujours le dimanche en milieu ou en fin d’après-midi, après qu’il fut accueilli pour le repas familial- dans un accès de colère insupportable en particulier envers son fils aîné qui témoignait en retour d’une sainte patience. Il s’en prenait alors méchamment à lui, l’insultant de la façon la plus humiliante pour sa prétendue stupidité ; et autres gracieusetés de la sorte…

    C’était plus fort que lui ; se rejouait ici probablement quelque chose de ce qui laissait en son âme l’empreinte indélébile de la faute originelle : ce premier fils avait été conçu hors mariage. Les idées véhiculées par les mentalités étaient des bombes aux effets durablement destructeurs.

    Les idées propagées peuvent être comme des feux dans la lande rase, stérilisant la sagesse des hommes à grande échelle et insidieusement ; et en conséquence instigatrices de grands désordres. Ce qu’il y a de tordu dans les mentalités est aussi dangereux que les  obus et  cela explose aussi sûrement qu’eux,  souvent à retardement, faisant en sorte que, ce qui de la chair psychique devait rester dans l'état de santé , s’en vient à pourrir en épousant le destin de la glèbe : amertume, aigreur, dépression.

     

    Pépé Léon

    Bords de Doubs à Besançon- aquarelle - jf Monnet, novembre 2020

       Je n’ai eu la chance de le connaître que deux décennies plus tard, soit à peu près pour les dix dernières années de son existence. C’était un homme charmant, qui adorait ses petits-enfants ; il savait que j’avais fait des études de biologie et m’avait à la bonne ; nous partagions le goût pour les animaux. Je réalise ici que, peut-être, il se projeta rétrospectivement, à travers moi, dans une vie d’homme jeune qui eut pu être la sienne. La vie ne lui avait pas donné cette chance que j'avais eue ; nous sommes aussi le produit de notre génération, plus ou moins bien lotie.

     

       Le Christ lui-même n’avait-il pas confondu dans ceux de ses propos qui laissent entrevoir la résurrection, ou dans cet épisode évangélique où Lazare est appelé à revenir à la vie, la situation du défunt à celle d’un homme qui s’est endormi ?

    Puisqu’il mourut pendant son sommeil, Pépé Léon se réveilla mort dans les bras du Christ-roi.

    Paix à son âme !

    Pépé Léon

     

    Vue de l'Hôpital St-Jacques depuis le parc de Chamars- aquarelle - jf Monnet, 20 et 21 novembre 2020

       Ici se côtoient deux lieux symboliques : le Champ de Mars (Chamars - Mars, Dieu de la guerre) où l'on devait célébrer les victoires ; et l'ancien Hospice, où l'on prenait soin comme l'on pouvait dans les siècles passés des malades, des miséreux et des éclopés (cf. article sur les béguinages).

    Que le Champ de Mars reste ce qu'il est devenu : un lieu de promenade, agréable en toute saison  ; quant à l'hôpital (cf. article sur ''St Jean Minjoz''), qu'il mène au mieux sa tâche, surtout par les temps qui courent, en prenant soin des corps et des pathologies de toutes sortes.

     

     


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