• RICANEMENT DE CRANE

    La courte sapience d'homo

    Passées les festivités puériles d'Halloween, où ceux qui se croient encore immortels s'affublent de toiles d'araignées pour quérir quelques bonbons, voici que les morts, les ordinaires et ceux qui seraient en odeur de sainteté se trouvent sous les projecteurs plus ou moins fervents, plus ou moins émus de la Mémoire.

    J'ai toujours trouvé curieuse cette coïncidence entre ces deux fêtes : La fête de tous les saints, faisant d'ailleurs la part belle aux disparus, au risque d'oublier tous ceux qui vivent de sainteté actuelle, réelle, au quotidien, dans les tâches les plus humbles et le service le plus dévoué et désintéressé à leurs proches ou plus généralement à autrui... Et la fête des morts, sous ses aspects résolument empruntés au paganisme, à la sorcellerie. Quel imbroglio symbolique !

    Mais voilà que le crâne ricane : de son regard aux orbites excavées, il nous fixe depuis l'opaque transparence de six pieds sous terre.

    Rien à faire, on ne peut l'oublier sinon à renier notre condition d'Homo sapiens !

     

    Il date ce crâne ! il a fait de vieux os !

    Il a connu primitivement la découverte de la maîtrise du feu, du bénéfice du langage dans les campements préhistoriques pour apprendre les savoir-faire, pour éduquer la jeunesse à chasser le mammouth ; il a dessiné ses proies sur les parois des grottes et mimé des lancements de sagaie propitiatoires orchestrés par les premiers prêtres du chamanisme.

    Par surcroît,  animé d'une pulsion de vie aussi forte que la vitalité animale -et parce que la vie ne peut imaginer que la vie- il a enterré ses morts, aux tempes parfois ornementées de coquillages.

    Aurait-il pensé à incinérer ? impossible, cela aurait consommé trop de bois, et par une élémentaire logique, son esprit lui dictait que ce qui vient de la chair donc de la terre, doit y retourner.

    Celui-ci avait-il vécu ? Son corps aussi entier que possible devait être mis en sécurité et au chaud dans les entrailles de la Terre-Mère. L'anéantissement par le feu aurait été comme supprimer sa vie antérieure, vouloir l'effacer du Livre de Vie, nier le fait que ce qui a existé ne peut être rayé du devenir et de l'histoire du monde : l'existence a un caractère décisif, définitif, ineffaçable.

    Seuls les grands criminels, en série ou de masse, veulent effacer la mémoire des vivants pour cacher  l'horreur de leurs crimes.

     

    RICANEMENT DE CRANE

    Quatre amies et Soulages (exposition dans un musée) - dessin coloré- jf Monnet, avril 2012 

     

    Quelle est ta sagesse, Homo sapiens ? Ta ''sapience'' est-elle seulement intelligence déductive, logique qui aurait présagé d'une humanité prompte à l'exercice mathématique ? Homo modernicus ne saurait-il plus l'intégrer à son programme existentiel ? 

    Pourtant, à l'origine, elle respectait l'existence, elle unissait l'artistique et le funéraire, l'ingéniosité et le ''sens de la tribu''. 

     

    L'art (tailler une pointe de silex à la forme parfaite, diviniser la reproduction dans les formes généreuses d'une Vénus de la préhistoire, faire courir au galop un horde de bisons grâce au rupestre charbon de bois...) et le funéraire (enterrer ses morts, participer à des obsèques, fleurir les cimetières...) : étonnante surprise du calendrier, qui inscrit au registre des défunts l'artiste inventeur de ''l'outre-noir'' ... comme on dit ''l'outre-tombe''.

     

    RICANEMENT DE CRANE

    Pierre Soulages- (D'après Wikipédia)


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :