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TROIS TULIPES DANS UN RAYON DE SOLEIL
Prière pour trois âmes défuntes ce jour en Méditerranée
Trois tulipes dans un rayon de soleil du soir - jf Monnet 23/03/2015
Les boutons d'or se ruent dans la verdure ; comme une tortue qui, de toute l'énergie ridée de son cou, tend sa tête hors de sa carapace quand elle veut se hâter avec lenteur, je passe la mienne par la fenêtre grand-ouverte pour inhaler profondément encore un peu de cette magique tiédeur de l'air ; il est un peu plus de six heures du soir ; j'étends la pâte de tout ce qui se laisse ressentir, de tout ce qui ruissèle de printanières frondaisons. Vert lumière contre bleu lumineux : quelle belle journée, belle comme le premier jour de la création.
Dans l'herbe, à quelques mètres, les lèvres d'une tulipe inventent pour moi quelque chose de plus que la beauté, quelque chose de plus que la volupté emplissant sa coupe faite de pétales : elle porte l'offrande de sa présence, de sa présence à ce gazon accueillant, de sa présence à l'élan unanime, jaune et vivace des renoncules.
Deux autres l'accompagnent, composant une sorte de bouquet trinitaire ; elles symbolisent à elles trois une Entité en laquelle notre intelligence pourrait croire, simplement, facilement, naturellement... une Entité qui nous élèverait au-dessus de cet enfer que les hommes peuvent ordonner et qui ne sait sécréter que plus d'enfer... Certains se noient en Méditerranée qui fuient leur condition de sinistre misère.
Ces trois tulipes se cherchent à mon insu une place discrète mais impérieuse ; elles deviennent l'écho visible d'une prière pour trois âmes défuntes : l'une adolescente et qui pourrait jalouser (si elle n'était pas vraiment âme) le nombre d'années qui m'a déjà été donné à vivre ; une qui entrevoit la saison de mon âge ; une accostant aux rives d'un lâcher prise, celles de la sénescence.
Ces trois âmes ont elles seulement eu une journée de bonheur dans leur vie terrestre ? Je l'espère...
Tout en mesurant la tragique incapacité que l'on a à se transposer dans la peau d'autrui, je les imagine : Ils étaient hommes pareils à moi, avec leur envie de vivre, de ressentir, de se sentir vivre et exister...
Le cœur bleu du forsythia - acrylique - jf Monnet, début avril 2015
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